Textes

Agathe la tomate

Les tomates ont une façon de voir le monde très particulière. Vraiment. C'est en tout cas ce que Agathe la tomate a pu noter à l'issue des aventures auxquelles elle a prit part et qui vont vous être contées maintenant. La vie d'une tomate, si l'on peut appeler cela ainsi se résume à peu de choses : naître d'une fleur sur un plant de tomate, grossir, mûrir, s'arrondir, rougir, se gorger de soleil, être cueillie, transportée, parfois vendue, découpée, assaisonnée ou bien cuisinée voire les deux à la fois et mangée. C'est la que se termine la vie de la tomate. Dans l'oesophage d'un humain. Parfois, mais plus rarement, une tomate n'est pas mangée, elle finit par pourrir sur le plant de tomate, tombe et disparaît. Elle peut aussi finir sur scène, écrasée sur le visage d'un artiste incompris ou sans talent ou bien les deux. Elle peut enfin terminer dans le caniveau situé devant la préfecture ou le ministère. Mais dans l'ensemble, les tomates terminent leur vies au fond d'un estomac humain parmi d'autres aliments tels des oignons, des aubergines, du riz, des pâtes et j'en passe. C'est d'ailleurs là la mort naturelle de bien des tomates comme de mourir dans son lit pour un humain.

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Après la pluie

Je ne saurais dire avec précision quand je suis mort. Car je suis mort. Enfin…non, en fait je ne suis pas mort…Pour tout vous dire, je ne sais pas, je ne sais plus trop. J'ai vu défilé ma vie, ça pour sûr, mais pas de la façon dont on se l'imagine habituellement je crois. Enfin, ça ne fait rien j'imagine, elle a défilé, voilà tout. Je vais peut-être vous raconter ma mort, cela vous servira peut-être un jour, si je suis réellement mort alors certainement et vous serez alors moins surpris lorsque votre temps viendra. Si en revanche je ne suis pas mort, mon expérience ne vous servira que s'il vous arrive la même chose et alors vous saurez que vous n'êtes pas seuls, parce que moi, j'ignore si je suis seul ou non à avoir pris part à tout ceci…Je ne sais même pas si je suis mort.

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Pluie

07 : 00

La sonnerie du réveil m'est particulièrement insupportable ce matin. J'abats ma main sur le pressoir dès que l'horrible son a pénétré la frontière de mon sommeil pour me projeter dans le monde réel. Avec lenteur, en prenant le temps de m'étirer langoureusement, je m'extirpe du grand lit. Il est bien vide ce matin, ma femme est partie. Déprimé, comme chaque matin de devoir quitter la douce chaleur des couvertures, je me rends dans la salle de bain. C'est le début du rituel quotidien, tout doit commencer ainsi, ou alors, cela signifie que je suis en vacances, ce qui n'est pas survenu depuis un certain temps. Le miroir, roi incontestable et sans pitié de la salle de bain, me renvoie une image qui me paraît presque étrangère. Je baigne dans un océan de fatigue et mon visage me le fait tristement comprendre. La faible lueur de mon regard ne parvient pas à éclairer cette figure qui ne devrait pas être la mienne. Il est vraiment temps que je fasse une pause, un longue pause. Sans y penser, par automatisme, j'entre dans la douche, ou plutôt, mon corps y entre, car mon esprit est, pour le moment, encore sous de chaudes couettes (vides certes, ma femme est partie comme je l'ai déjà mentionné, mais chaudes tout de même). Le violent jet d'eau brûlante ne m'extirpe qu'à moitié de cet état second. L'autre moitié persiste à conserver sa tranquillité. Certains jours, elle persiste toute la journée. Douche, rasage, caleçon, chaussettes, chemise, pantalons, cravate, veste, chaussures (un modèle tout neuf, à 1500 francs). Je suis prêt, et mon esprit est parvenu à récupérer son intégrité. Dommage, lorsqu'une des moitiés reste endormie, je souffre moitié moins. Un rapide coup de peigne achève le rituel matinal, opération primordiale pour entrer dans le monde et perdre petit à petit toute conscience de soi-même. Je ne suis plus un individu mais un modèle décliné à l'infini. Je dois me dépêcher. Dehors, mes semblables m'attendent.

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Albert la pierre

C'est la guerre, et c'est deux-là en sont bien plus que conscients. Ils savent que l'un d'eux mourra dans quelques minutes, d'une mort violente. Tué par l'autre. Alors tous deux tentent d'être l'autre (et l'autre sera l'un). Personne ne pourrait vous les décrire, et pour cause, personne ne les a jamais vus, ni eux ni aucun membre de leur espèce. Car ils sont de la même espèce. Ils pourraient être frères…Soudain l'un d'eux trébuche sur une pierre. Une bête pierre, posée là, au milieu de cette immense plage. En tout cas l'un de nos deux combattants a perdu vaincu par son frère…et Albert la pierre.

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Vivez

Naissez, regardez autour de vous, reconnaissez la voix de vos parents, apprenez à marcher à quatre pattes, tenez-vous debout, en équilibre, marchez, gazouillez, comprenez les voix autour de vous, apprenez à dire PAPA, apprenez à dire MAMAN, et puis tous les autres mots, progressivement. Entrez à  […]

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Je l'aime

Il ouvrit les yeux, le soleil était levé ; devant lui, il la voyait, il voyait sa nuque, ses cheveux blonds descendaient jusqu'au matelas. Elle était belle, il l'aimait, il ne voyait pas ce que ça pouvait être d'autre, il devait l'aimer. Il dormait encore un peu, il se souvenait encore de son rêve, mais il avait ouvert les yeux, alors son rêve, immanquablement, allait s'en aller, il était déjà parti, il ne parvenait même plus à identifier les personnages, il ne se souvenait plus de la situation. Il ne comprenait pas, il ne comprenait jamais pourquoi il lui était impossible de se souvenir de ses rêves, il lui semblait que pour se souvenir de son rêve, il devait reprendre conscience avant de se réveiller et penser à ne pas ouvrir les yeux, alors, il pouvait se remémorer son rêve et de ceux-là, il en gardait un souvenir durable. Ainsi il se souvenait avoir rêvé de voler, ces rêves étaient fabuleux, il contrôlait réellement son vol et ce mode de transport lui semblait alors totalement naturel ; Il avait rêvé d'elle, des tas de fois, avant même de la connaître. Mais là, il ne parvenait pas à se souvenir de son rêve, cela l'agaçait un peu mais bon, il décida de refermer les yeux, après tout son rêve allait peut-être pouvoir reprendre là où il s'était arrêté.

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