Mon grand-père

Mon grand-père est mort.
Ce matin, tôt, mon père est venu me réveiller.
— Bertrand? Papy est mort.
J'ouvre mon cerveau. Mes oreilles transportent l'information jusqu'à lui.
— OK.
Je ne sais pas s'ils revenaient de l'hôpital ou s'ils y allaient. Le téléphone a du sonner dans la nuit. Ma grand-mère. Ou bien l'hôpital. Je ne sais pas.
Il fait encore nuit à cette heure là en Novembre.
Quelques heures plus tard, cours de mathématiques. Comme depuis près de deux mois, je m'assoie auprès d'elle.
— Ça va?
Silence.
— Ça va Bertrand? Ça a pas l'air d'aller.
— Mon grand père est mort.
Silence.
Trois mois plus tôt, le jour de mon anniversaire, il a fait son premier malaise. Un cancer détecté deux ans plut tôt que j'avais oublié. Lui n'avait pas oublié mon grand-père...
Je n'ai peut-être pas voulu y croire ou y penser. La maladie, la mort. Imaginer les causes des malaises, les conséquences de la maladie.
Bref. Je suis en cours de mathématiques et les théorèmes pleuvent, les démonstrations s'enchaînent. Ce qui habituellement me passionne m'indiffère tout d'un coup. Elle me pose quelques questions. Elle m'arrache quelques hochements de tête, quelques mots parfois. Et puis les copains s'y mettent. Je veux rester seul, dans ma bulle, mais ils ne cessent de vouloir y rentrer, ou de m'en faire sortir. Je résiste. Mon grand-père est mort. Et puis ils m'arrachent un sourire. Un peu plus tard un deuxième. Et puis je me mets à écouter ce qu'ils racontent, ce que dit la prof, je rentre à nouveau, doucement, dans ma vie habituelle.
Une blague fuse et je ris. Et puis rien. Mon grand-père est mort et j'ai ri. J'ai honte.

Huit ans après, je me pardonne enfin ce rire.

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